« Les risques de l’art » 27 ème Revue de Recherches en Esthétique
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« Les risques de l’art » 27 ème n° de la "Revue de Recherches en Esthétique", de Dominique Berthet, CEREAP
Extrait :
L’enfant mort
Entretien avec Dominique Berthet *
Née en 1971, dans une Guadeloupe profondément rurale et interculturelle, Chantaléa Commin quitte l’archipel en 1990, après un BAC A3, pour Paris. Elle suit des études d’arts plastiques, d’esthétique, de littérature et de cinéma expérimental à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Centre Saint-Charles) jusqu’en 1998. Travaillant plus tard dans le milieu artistique parisien underground, le graphisme et le professorat, elle enchaîne quelques expositions collectives et résidences d’artistes notamment au Sénégal en 2005. Elle revient en Guadeloupe en 2011 et se consacre entièrement à une pratique artistique expérimentale et protéiforme. Elle a exposé en France, en Martinique, en Guadeloupe, avec des projets vers la Caraïbe, les États-Unis et le Japon que la Covid a momentanément ralentis.
Dominique Berthet : Ta pratique artistique est très diversifiée. Tu utilises plusieurs médiums. Tu as une pratique graphique, picturale, installationniste, cinématographique, et j’en oublie peut-être. Pourquoi cette diversité des pratiques ?
Chantaléa Commin : Je travaille sur mon lieu familial, intime depuis les années 1980. Il semblerait que cette velléité de recueillir la « petite mémoire » ait fonctionné au vu de la multitude de « petites boîtes » à ma disposition aujourd’hui, qui irriguent mon travail et en font une expression protéiforme. Entre la date de naissance et celle de mort, disait Boltanski, le tiret c’est la vie. C’est ce tiret qui m’intéresse. Mes origines composites paysannes m’ont ouverte au monde, à la politique, à la sociologie, au « sort collectif ». Assez tôt, elles m’ont disposée à réagir promptement à des faits de société qui aujourd’hui passent si rapidement que la réaction doit être adaptée. La vidéo ou l’infographie sont les médiums de l’urgence. J’ai eu la chance de pratiquer le numérique dès mes premières années de formation à la Sorbonne en parallèle avec l’utilisation du Super 8.
Je suis influencée par l’écriture cinématographique, et ce, même dans la composition qui va prendre des allures de storyboard éclaté, avec la juxtaposition de scènes « en mouvement ». Certaines œuvres picturales naissent parfois d’une mise en scène filmée. Avec la contribution occasionnelle de mon entourage, particulièrement de jumeaux (pour l’efficacité plastique, l’étrangeté et la photogénie de la gémellité). Cette contribution me permet aussi parfois de dresser une limite à mon implication personnelle. En ouvrant sur l’altérité, mon travail se veut aussi heuristique. La démarche de recherche/création me met dans une position de constante critique réflexive.
* Professeur des universités (Université des Antilles), auteur, critique d'art, commissaire d'expositions, CEREAP
LA SUITE DANS LA 27 ème Revue de Recherches en Esthétique
« Les risques de l’art », [cela] sous-entend plusieurs pistes de réflexion. L’art du risque, le risque en art, au risque de l’art, l’éloge du risque, etc. sont de possibles entrées dans ce sujet aux nombreuses implications. Un certain nombre de questions se posent : la prise de risque est-elle inhérente à la création ? L’art est-il dangereux ? Si oui, en quoi et pour qui ?" [extrait de l'éditorial]
" Les risques de l'art " 27 ème Revue de Recherches en Esthétique
Document audio // Dans le cadre de la parution du 27° numéro de Recherches en Esthétique, sur "Les risques de l'art ",et l'inauguration de l'exposition collective éponyme le 2 mai 2022 au Tropi...
Document audio(version longue) // Dans le cadre de la parution du 27° numéro de Recherches en Esthétique, Chantaléa Commin s'exprime sur sa contribution à la revue et à l'exposition éponyme
Document audio(version courte) // Dans le cadre de la parution du 27° numéro de Recherches en Esthétique, Chantaléa Commin s'exprime sur sa contribution à la revue et à l'exposition éponyme
L'EXPOSITION AU TROPIQUES ATRIUM
2 mai 2022 Inauguration de l'exposition "Les risques de l'art", Tropiques Atrium, Fort-de-France, entre 17 et 21h, galerie La Véranda.
Jusqu'au 4 juin
2 mai 2022 Inauguration de l'exposition "Les risques de l'art", Tropiques Atrium, Fort-de-France
Comment l’esthétique du décor participe-t-elle à l’effet-rêve ?
Les couleurs claquent, se repoussent parfois, se marient, donnant une impression d’harmonie ou de dissonance, de calme ou de violence, qui se veulent naturalistes ou irréelles.
On ressent les matières ; celles qui piqueraient la pulpe des doigts, mais qu'on aimerait effleurer et dont les aspérités douces donnent une impression de perfection tiède comme le creux d’un val dans les Grands-fonds ; chaleureuses et enveloppantes.
On apprécie l’infinité d’associations entre couleurs et matières et la manière dont la lumière vient les éclairer ; l’ambiance surnaturelle, onirique qu’elle peut conférer, et la temporalité dans laquelle elle inscrit la scène.
Il y a aussi le plaisir presqu'enfantin à découvrir l’artificialité de cet écrin, ou plutôt à en deviner ses contours, son envers, le sentiment de voir s’accomplir sous ses yeux l’enchantement d’une œuvre : celle de réussir à faire voyager, à émouvoir, à transporter grâce à l’imagination.
Résultat tangible d’une somme d’idées, de sensibilité et de savoir-faire qui nous permet à la fois d’entrer dans l’imaginaire de son créateur, tout en nous renvoyant également au nôtre.
Puis l'œil glisse sur le cartel et on note l'opposition entre le titre "Wake up call" et la scène assez indolente qui est donnée à voir : Une série de véhicules-coffres habités de personnages charbonneux, effilochés, sillonnent un ciel parsemé de nuages cotonneux dans lesquels roupille un groupe d'anges désintéressés.
Des deux personnages au sol, l'un arrose son jardin (sans eau) l'autre cherche une lampe à la main (cf. les contes philosophiques de "Candide ou l'Optimiste" et de Diogène de Sinope).
"An emotional blow and a wake up call", une pandémie mondiale vécue comme un coup de semonce sonne le signal de réveil pour accomplir des gestes concrets pour une vraie transition vers une économie écologique et sociale !
La transition, c’est maintenant, a-t-on pu penser avant de retomber dans la léthargie... Investir, se nourrir autrement, habiter le territoire de manière intelligente, arrêter de perturber les écosystèmes
et favoriser les zoonoses, rapprochements humains et maladies qui auraient dû rester sur les pangolins et les chauves-souris.
A-t-on besoin d'aller taquiner la bête ?
Dans le cas de la Covid-19, il faut espérer que les comportements humains dans leur relation aux animaux (mode de vie, alimentation) soient radicalement modifiés. L'œuvre sous ses airs sensuels, extravagants, subjectifs, semblant donner un point de vue omniscient, presque démiurgique, où on circule à loisir et à sa guise est profondément ancrée dans une réalité plus terrienne et préoccupante.
#extractivism #ecology #DRAWING
En couverture de la revue, Babel, les grands poissons mangent les petits, Chantaléa Commin, 2020-21, Technique mixte
Recherches en Esthétique N° 27, janvier 2022 Les risques de l'art - CEREAP
Ce nouveau numéro de Recherches en Esthétique aborde la question de la prise de risque dans le domaine artistique. La formulation "Les risques de l'art" qui constitue le titre de ce numéro ...